mercredi

mercredi 14 mai


On est réveillé à 4h30, mais j’ai bien dormi, je n’ai même pas entendu la cloche de l’usine toute proche sonner toutes les heures. On reprend notre van, on fait un arrêt pour voir le lever de soleil sur le Kawah Ijen et ses deux voisins. Il faut encore rouler environ dix kilomètres, on double d’ailleurs au passage nos deux compagnons partis à pieds du village quelques heures plus tôt... On commence la grimpette à pied, et ça monte sec. Le volcan est la principale mine de soufre du pays, mais aussi la première mine entièrement exploitée à dos d’hommes que j’ai vue, on croise le long du chemin de nombreux porteurs de souffre qui réalisent le trajet avec des charges allant jusqu’à 100 kilos sur les épaules à l’aide de paniers. De vrais forçats du travail. Après une petite heure en forêt, on arrive au campement des mineurs. C’est là qu’ils pèsent leur chargement remonté du bas du cratère. La balance est archaïque, et chaque chargement leur rapporte environ 2,50€. Pas possible physiquement de faire plus de deux voyages par jour, mais le statut social des mineurs est plutôt bon, au dessus de la moyenne, à priori pas besoin de prévoir pour les vieux jours car pas dit qu’ils en auront vu la pénibilité du job, que ce soit leur dos ou leurs poumons, les fumeroles de gaz sulfurique étant horriblement agressives. Il faut encore 45 minutes de marche pour aller du campement au sommet du cratère, par un magnifique chemin qui se termine à flanc de montagne puis sur la crète. La vue est fabuleuse, fascinante, on découvre un grand lac aux eaux turquoise, dont la surface est parfois crevée de bulles d’acides chlorhydrique et sulfurique, et sur un bord la mine en plein air toute jaune d’où jaillit un épais nuage de gaz dans lequel se cachent les travailleurs. Les collecteurs brisent des blocs de soufre qui au départ sort à l’état liquide puis s’est refroidit, et ensuite le remontent au prix de gros efforts dans des paniers à balanciers. Les porteurs remontent des charges plus lourdes qu’eux, sur une pente abrupte, surhumain. On descend vers le lac et la mine, en 30 minutes, en faisant attention de ne pas gêner les mineurs, heureusement il n’y a presque pas de touristes, quasiment que notre groupe. Les porteurs de soufre sont très gentils, souriants, et pourtant ils auraient des raisons de ne pas l’être. On échange quelques biscuits contre des photos. On a de la chance le vent est inexistant et la fumée monte directement. On s’est tout de même pris quelques bouffées, c’est terrible, bien plus qu’une simple odeur d’œuf pourri, on a eu raison de prévoir le coup avec un linge à mettre sur le nez et la bouche. On est à coté des travailleurs, on peut bien observer le processus très archaïque, aucune machine, aucune mule, que les hommes et leurs bras. L’eau du lac a une couleur étrange, d’où se dégagent de la fumée et des crépitements. On jette une pierre pour voir, réaction immédiate comme un cachet d’aspirine, elle entre en effervescence et ressort sous forme de dépôt jaunâtre. Même pas la peine d’envisager se baigner, ça tombe bien on n’avait pas pris les maillots. On reste assis là à contempler le paysage, on a le temps nos deux compagnons ne sont même pas encore arrivés, et à la limite tant mieux on peut s’imprégner de cette ambiance et de cette atmosphère si particulière. Cette journée ne sera pas oubliée de si tôt. Il y aura bientôt des allemands, une équipe télé vient d’arriver faire un reportage. La remontée est difficile, et encore nous ne sommes pas à plaindre, mon sac ne devant pas dépasser les deux kilos, surtout que tous nos « biscuite » y sont passés. On double des porteurs exténués où chaque pas nécessite une grande concentration et une volonté qui dépasse le physique, parce que c’est pas de gros gabarits ces Indonésiens. Une fois en haut on longe un peu la crête, avant de redescendre vers la voiture. La collecte se fait encore un peu plus loin, difficile d’imaginer pourquoi ils n’ont pas aménagé mieux le site pour augmenter le rendement, et s’économiser le capital santé aussi. On peut repartir, on est au complet, on a récupéré nos deux compagnons qui avec leur plan foireux n’ont pas eu le temps de descendre dans le fond du volcan, et direction le ferry pour Bali. On se transfert dans un autre bus, nettement moins confortable que notre van, pas de clim, cinq par rangée, mais on réussit à être deux sur une banquette de trois, c’est déjà ça. La traversée se passe sans problème. Une fois débarqué, il reste trois heures de route pour Denpasar, la plus grande ville balinaise. On est dans le même bus que quatre de nos compatriotes de la journée. Nos premières impressions : les maisons sont plutôt grandes, et surtout elles ont toutes un temple presque aussi grand qu’elles dans la cour, c’est très verdoyant et déjà de très beaux paysages de rizières surplombant la mer et les plages de sable noir. Notre chauffeur est aussi téméraire que les précédents, même si la circulation semble moins dense sur cette île. En tout cas soit il connaît très bien son bus, soit il ne connaît pas le code de la route, ni la peur, ni le danger. On arrive quand même à destination, félicitations, mais il fait noir. Le hasard fait que nous allons à six dans la même ville, du coup on chartérise une camionnette jusqu’à Ubud, encore 45 minutes de trajet. Une fois là-bas nos chemins se séparent, et on va dans un hôtel assez joli d’extérieur, on se pose vite fait et on va manger, on choisit le Lotus, une des très bonnes adresses de cette ville considérée comme le cœur gastronomique de Bali. On prend donc le repas dans les jardins d’un temple, au bord d’un lac rempli de fleurs de lotus. Un peu fatigués, on ne traîne pas et on rentre à l’hôtel. La chambre est superbe, sauf que surprise mon lit grouille de fourmis sous le matelas, et pas des petites, beurk, c’était encore jamais arrivé. Pas moyen de dormir là, on change de chambre, on s’installe, et rebelote, ça suffit on quitte l’hôtel, mais à cette heure plutôt tardive pour le pays pas simple de trouver une autre chambre. Nous voilà dans la rue avec nos sacs à 23 heures dans une ville endormie laissée aux chiens qui terminent dans les offrandes ce que les dieux ont laissé. On a finalement bien dormi dans une petite pension familiale.

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